« S’immerger dans l’eau, pour en ressortir sans s’y dissoudre totalement, sauf par une mort symbolique, c’est retourner aux sources, se ressourcer dans un immense réservoir de potentiel et y puiser une force nouvelle », « Dictionnaire des symboles », Jean Chevalier, Alain Gheerbrant.
Le rebirth en eau chaude (technique de respiration consciente), aubaine de régression, occasionne une brèche dans l’enveloppe cuirassée du sujet, nécessaire passage vers la régénérescence et la progressive réunification de ce dernier. Une sorte de baptême. La plongée dans l’eau baptismale, indique la disparition de « l’être de péché ». Ce dernier s’apparente, dans le champ de la psychothérapie, à la désunion, la coupure d’avec le Soi, au sens Jungien du terme. L’entaille vient comme un rempart épargnant au sujet les pires souffrances mais, du coup, le fracturant aussi de ses forces vives.
Lors d’un rebirth en eau chaude, le sujet respirant, remonte à la source de cette entaille jusqu’à se trouver dans les lieux ténébreux du traumatisme. C’est ici que la fortification se désintègre pour laisser libre le passage au revécu. Dans les bras d’un tiers il est encouragé à endurer une nouvelle fois ce qui généra la fracture, mais cette fois contenu, compris, et vu. Arrivent alors en flots une palette de sensations, émotions , images, souvenirs, impressions, lesquelles s’expriment de façon tout aussi variée, relative à chaque individu.
Mais ceci n’est pas spécifique au rebirth, et relève du champ de la psychothérapie. A ceci prés que l’eau contient, symboliquement et de façon universelle, les principes condensés foisonnants de vie et de mort. Les mythes, la littérature, les arts les rituels abondent des thèmes aquatiques d’où « tout nait, d’où viennent subsistance et croissance. L’imagination a peuplé les eaux douces comme les eaux salées, les dormantes comme les bondissantes, ruisseaux, étangs, fontaines, sources, puits, marais, et vagues marines de personnages mythiques », ainsi que l’écrit Jacqueline Kelen dans « La déesse nue ».
C’est ainsi que le sujet respirant dans l’eau chaude va rejoindre ce fameux gigantesque « réservoir de potentiel » aquatique nommé plus haut, devenir en quelque sorte les eaux elles mêmes dans tout ce qu’elles ont de calme et gracieux, de violence et de déchainement.
Enveloppés de toute part par l’élément aquatique, les patients toussent et crachent leurs eaux usées, leur eau de vaisselle. Dans les bras de la personne accompagnante, il n’est pas rare que certains se retrouvent en eau morte, exsangues, les lèvres bleutées ou se mettent, tels une hydre fabuleuse, à rugir dans des eaux tonitruantes, explosives aux remous éclatants. Ils déflorent les eaux jaillissantes ou à l’inverse tombent dans des chutes d’eaux ajoutant à la grande eau leurs larmes salées. Quelques fois des goûts d’eau de rose, affleurent à la surface des lèvres des personnes que l’ondée enrubanne de ses sens enjôleurs. Car l’eau incolore, inodore, transparente n’en est pas moins chargée de tout les possibles. Elle laisse place à tout, comme le ferait un mur blanc, transformé en écran. L’eau devient le support de tous les opposés, tels eau vive/eau morte, eau bénite/eau de vidange, eau distillée/eau lourde.
L’eau est aussi une « amère invitation au voyage sans retour » écrit Gaston Bachelard dans « L’eau et les rêves ». Jamais deux fois l’on ne se baigne dans le même fleuve et les rivières ne remontent pas à la source. Elles se jettent plutôt dans l’océan et se noient dans l’immensité. Ainsi le sujet respirant dans l’eau est il amené dans la conscience que sa vie s’écoule et du nécessaire sens à y adjoindre, faute de quoi, l’eau devient la manifestation du malheur humain du temps qui s’écoule comme le font les pendules molles et dégoulinantes de Dali.
Cependant, le pouvoir régénérant de l’eau, contribue à l’avènement de forces nouvelles, et c’est plutôt la souffrance arrivée à son point d’orgue qui se noie dans l’eau, devenant lustrale eau de vie. L’être apparaît dans sa lumière primitive éclatante comme le nouveau né, dans les bras de sa mère. S’échangent alors des regards qui se soutiennent et s’émerveillent l’un l’autre.
La respiration dans l’eau évoque la vague et l’océan. Quand la vague retombe elle revient à sa nature première, celle de l’immensité. Quelques fois à la fin d’une expérience comme celle ci, une sensation océanique d’appartenance au tout, intemporelle et infinie, plonge l’être dans une dimension d’éternité. La vague cesse de s’extraire, rugir et se fracasser. Pur moment présent sans passé ni futur. Chaque goutte de seconde ouvre un univers à elle seule.