Cabinet de psychothérapie relationnelle, Atelier d'art-thérapie Françoise Poulnot, Côte d'Or, Côte d'Armor
Les thérapeutes en Apsyse, thérapeutes des profondeurs, travaillent essentiellement à la reconstruction des enfances brisées.
Devant ces mondes d’enfance, nous nous agenouillons pour être au plus près de ce petit qui à ce jour, ose s’indigner, et mendie: « penses moi, que je fasse enfin l’expérience qu’il existe quelqu’un au monde au regard duquel je suis le centre »*
Dans ces mondes d’enfance, l’émotion est souvent brutale, sidérante, agonistique. Mille infamies sont délivrées de leur prison de silence, larguent les amarres du refoulé, contenues jusqu’à ce jour par la honte qu’il soit arrivé quelque chose à cet enfant qui en fait un « hors-humain ». L’écoute ouverte autorise la sortie de cet en-dehors-de l’humanité. L’enfant qui était impréparé à subir de la part des personnes les plus proches de son monde, la plupart du temps ses parents, les pires infractions, est comme le bateau ivre en situation périlleuse qui envoie des signaux de détresse, désespérant trouver un récepteur. Le sentiment de solitude est absolu. C’est ici que sa parole, ses larmes, le replacent dans « l’humaine condition » et donnent un sens à ce qui fût.
L’abominable fût que cet être soit éperdu, sans personne vers qui se tourner, puisque ses parents qui représentaient normalement la protection et l’assurance de bienveillance sans condition, sont les agresseurs. Le traumatisme prend alors tout le champ spatial et temporel.
A partir de la part blessée et restaurée de nous mêmes, thérapeutes en Apsyse, nous tentons de faire alliance avec les brisures de l’enfant afin de s’attacher à le reconstruire dans l’adulte qu’il est devenu.
Car comment s’aimer, aimer et être aimé dans un cœur brisé d’enfance ?
Comment donc jouir de l’ouverture du cœur apaisé, qui introduit la sexualité de l’adulte ?
La Thérapie apsysienne a pour projet la réalisation d’une sexualité aimante épanouie et libre, c’est là probablement sa spécificité essentielle. Pour cela, elle commence par la reconstruction des enfances.
* René Roussillon
Françoise Poulnot
Notes prises par Françoise Poulnot, au cours de la lecture de Rosine une criminelle ordinaire de Sandrine Cohen.
Le livre commence par un soir d’ombre, un soir où tout bascule, où le monde de Rosine bascule. Car sous l’effet de la dissociation, et absente à elle même, elle noie ses deux fillettes… Ce sont deux morts physiques. Sandrine Cohen, l’autrice de ce très fort texte, s’attache à écrire les morts psychiques.
Si souvent, dans le secret des foyers familiaux, les âmes des enfants sont tuées. Il est si facile de tuer un enfant et que cela ne se voie pas. Le crime organisé c’est souvent dans la famille, comme dans les cas de l’inceste : »c’est un secret entre nous, ça reste en famille, n’en parle à personne ». Les enfants sont les premières victimes de ces »crimes d’âme » comme le dit l’autrice, juste avant les femmes. Les âmes sont meurtries et les corps restent en vie, morts à l’intérieur.
Dans ce récit, une enquêtrice judiciaire de personnalité, cherche dans le passé des criminels, la plupart du temps des gens très ordinaires, ce qui fait qu’un jour ils basculent et deviennent des criminels. Pour cette enquêtrice, juger c’est d’abord comprendre. Car comment juger ce jeune homme par exemple, qui tue sa grand mère qui faisait régner la terreur, le battait, l’enfermait dans un placard avec la complicité de ses parents muets? Qu’est ce qui a rendu ce drame possible ?
Sandrine Cohen nous fait rentrer dans la complexité des angles morts de la psyché traumatisée, elle reconstitue sous nos yeux, strate après strate, telle une archéologue insistante, ce qui aboutit à la dissociation, à l’absence à soi même: la mort psychique.
Le métier de psy par bien des aspects, s’approche de ce profil d’enquêteur psychologique. Car »pour que la vie reprenne le cours de la vie, il faut revenir dans le réel et sortir de l’oubli de la vie ». Dans le cas d’un traumatisme, c’est ce que tentent les psys en y parvenant parfois.
Dans nos cabinets, nous ne sommes pas immunisés contre la folie du monde et bien souvent propulsés dans celle que nous avons évitée, en ayant fait nous-mêmes ce travail d’introspection des profondeurs, au cours duquel nous avons côtoyé nos abîmes et nos gouffres ancestraux, ceux dont certains communs des mortels ne se relèvent pas.
Pont entre l’obscur et le clair
Le serré et l’ample
Le tréfonds et l’aérien
Épousailles des ambivalences
Le thérapeute, comme l’arbre, dans son essence axé
Père dressé
Mère fertile
Et l’arbre au cœur du sous bois
Abrité des regards
Chacun sa place, solitaire, comme l’esprit de celui qui les cherche
Rencontres diamantées
L’arbre se charge de branches et de feuilles à partir d’une certaine hauteur.
Le temps de s ‘élever est si long !
Dans la terre, enfouies, ses racines invisibles en fouillent la profondeur.
D’elles dépendent son assise, son élévation et son déploiement vers le vaste azur.
L’arbre et le thérapeute
Si forts et vulnérables…
Stabilité
Humble immobilité sans éclat
Mais, présence
Offrande
Son tronc porte les entailles des infractions, morsures indélébiles.
l’arbre ne cicatrise pas. Il enrobe d’une nouvelle écorce la plaie qui restera plaie.
Certaines branches échues à sa base, témoignent de ses chutes, rebondissements,
abandons, deuils, tempêtes traversées.
Resté vertical, jusqu’au prochain tremblement.
A son pied s’assoit l’âme cheminante
L’arbre se penche, fait alliance,
De cette part de lui même,
De cette part entaillée….
….Dépliement
Nutricier de ses feuilles, il leur propulse la sève brute chargée de substances essentielles.
Elles lui rendent la sève élaborée, retravaillée à base de lumière.
Élaboration
Interversion
veloutent les feuilles, du bourgeon dur et fermé,, verdoient, s’élargissent, se déploient
captent la lumière, se parent de leur royale couleur d’accomplissement orange..
Françoise Poulnot, mars 2021
»S’immerger dans l’eau, pour en ressortir sans s’y dissoudre totalement, sauf par une mort symbolique, c’est retourner aux sources, se ressourcer dans un immense réservoir de potentiel et y puiser une force nouvelle », »Dictionnaire des symboles », Jean Chevalier, Alain Gheerbrant.
Le rebirth en eau chaude (technique de respiration consciente), aubaine de régression, occasionne une brèche dans l’enveloppe cuirassée du sujet, nécessaire passage vers la régénérescence et la progressive réunification de ce dernier. Une sorte de baptême. La plongée dans l’eau baptismale, indique la disparition de »l’être de péché ». Ce dernier s’apparente, dans le champ de la psychothérapie, à la désunion, la coupure d’avec le Soi, au sens Jungien du terme. L’entaille vient comme un rempart épargnant au sujet les pires souffrances mais, du coup, le fracturant aussi de ses forces vives.
Lors d’un rebirth en eau chaude, le sujet respirant, remonte à la source de cette entaille jusqu’à se trouver dans les lieux ténébreux du traumatisme. C’est ici que la fortification se désintègre pour laisser libre le passage au revécu. Dans les bras d’un tiers il est encouragé à endurer une nouvelle fois ce qui généra la fracture, mais cette fois contenu, compris, et vu. Arrivent alors en flots une palette de sensations, émotions , images, souvenirs, impressions, lesquelles s’expriment de façon tout aussi variée, relative à chaque individu.
Mais ceci n’est pas spécifique au rebirth, et relève du champ de la psychothérapie. A ceci prés que l’eau contient, symboliquement et de façon universelle, les principes condensés foisonnants de vie et de mort. Les mythes, la littérature, les arts les rituels abondent des thèmes aquatiques d’où »tout nait, d’où viennent subsistance et croissance. L’imagination a peuplé les eaux douces comme les eaux salées, les dormantes comme les bondissantes, ruisseaux, étangs, fontaines, sources, puits, marais, et vagues marines de personnages mythiques », ainsi que l’écrit Jacqueline Kelen dans »La déesse nue ».
C’est ainsi que le sujet respirant dans l’eau chaude va rejoindre ce fameux gigantesque »réservoir de potentiel’‘ aquatique nommé plus haut, devenir en quelque sorte les eaux elles mêmes dans tout ce qu’elles ont de calme et gracieux, de violence et de déchainement.
Enveloppés de toute part par l’élément aquatique, les patients toussent et crachent leurs eaux usées, leur eau de vaisselle. Dans les bras de la personne accompagnante, il n’est pas rare que certains se retrouvent en eau morte, exsangues, les lèvres bleutées ou se mettent, tels une hydre fabuleuse, à rugir dans des eaux tonitruantes, explosives aux remous éclatants. Ils déflorent les eaux jaillissantes ou à l’inverse tombent dans des chutes d’eaux ajoutant à la grande eau leurs larmes salées. Quelques fois des goûts d’eau de rose, affleurent à la surface des lèvres des personnes que l’ondée enrubanne de ses sens enjôleurs. Car l’eau incolore, inodore, transparente n’en est pas moins chargée de tout les possibles. Elle laisse place à tout, comme le ferait un mur blanc, transformé en écran. L’eau devient le support de tous les opposés, tels eau vive/eau morte, eau bénite/eau de vidange, eau distillée/eau lourde.
L’eau est aussi une »amère invitation au voyage sans retour » écrit Gaston Bachelard dans »L’eau et les rêves ». Jamais deux fois l’on ne se baigne dans le même fleuve et les rivières ne remontent pas à la source. Elles se jettent plutôt dans l’océan et se noient dans l’ immensité. Ainsi le sujet respirant dans l’eau est il amené dans la conscience que sa vie s’écoule et du nécessaire sens à y adjoindre, faute de quoi, l’eau devient la manifestation du malheur humain du temps qui s’écoule comme le font les pendules molles et dégoulinantes de Dali.
Cependant, le pouvoir régénérant de l’eau, contribue à l’avènement de forces nouvelles, et c’est plutôt la souffrance arrivée à son point d’orgue qui se noie dans l’eau, devenant lustrale eau de vie. L’être apparaît dans sa lumière primitive éclatante comme le nouveau né, dans les bras de sa mère. S’échangent alors des regards qui se soutiennent et s’émerveillent l’un l’autre.
La respiration dans l’eau évoque la vague et l’océan. Quand la vague retombe elle revient à sa nature première, celle de l’immensité. Quelques fois à la fin d’une expérience comme celle ci, une sensation océanique d’appartenance au tout, intemporelle et infinie, plonge l’être dans une dimension d’éternité. La vague cesse de s’extraire, rugir et se fracasser. Pur moment présent sans passé ni futur. Chaque goutte de seconde ouvre un univers à elle seule.
Voici quelques traces de la réflexion issue de l’observation des patients qui travaillent à l’aide de l’art thérapie. Seules les deux premières questions sont abordées : que soigne l’art thérapie, par quel mécanisme ? J’attends le compte rendu de la réunion du 9 Mars pour continuer à réfléchir avec vous.
La main étant l’organe qui permet la préhension de l’outil dont on se sert en art thérapie, j’ai eu envie de commencer par me pencher sur elle. L’abondante phraséologie rend compte de l’Importance extrême de la main dans l’activité humaine. Les nombreuses extensions de sens à propos de la main en témoignent : avoir en main, haut la main, prendre en main, mettre la main sur, entre les mains, fait main, prêter la main, se donner la main, faire main basse, petite main, avoir la main, aller de main morte, main mise, homme de main, prêter main forte, etc…. Aussi l’on peut convenir du rôle fondamental qu’elle joue dans l’équilibre de la psyché.
Dans ma pratique d’art thérapeute, je suis ébahie de voir la variété des actions de la main à l’œuvre. Ceci est particulier au pouvoir de la terre ; peut être est ce parce que la terre est la seule matière en art thérapie à être appréhendée avec la main seule, sans l’intermédiaire d’un outil. En ce sens, le premier soin de l’art thérapie est de rendre à la main son pouvoir d’action. Fréquemment quand les mains se mettent à picoter, s’anesthésier, vibrer, se tordre, se tétaniser, lors d’une séance de respiration par exemple, on peut se demander de quoi elles ont besoin. C’est une indication pour écouter « la soif des mains ». Cette soif inextinguible de s’agripper et lâcher, tenir, saisir, prendre, serrer, presser, traire, patouiller, tripoter, toucher, étreindre (actions très archaïques), mais aussi griffer, racler, pincer, tordre, tirer, (peut être lié aux premières actions d’autonomie du petit enfant), puis, manipuler, assembler, aplatir, claquer, taper, casser, reconstruire, malaxer, écraser, (actions qui me font penser au petit enfant avec les jouets et la terre ou le sable), et, moudre, lancer, étrangler, tordre, poignarder, « violer » (actions bénéfiques pour libérer l’agressivité refoulée), enfin, effleurer, masser, lisser, caresser, et, former, modeler, réaliser, élever, édifier.
Alors que la personne pense avoir envie de faire mal, il s’avère que ses mains ont envie de tenir, de s’accrocher et de sentir le contact et le lien.
La personne a la croyance qu’elle ne sait rien faire de ses 10 doigts et voilà que les mains se mettent d’elles mêmes, sans perdre un instant, à malaxer et visser la terre jusqu’à élever un trône, ou à fabriquer une figurine qui va se mettre à converser avec sa créatrice, ( on retrouve, au passage, les thèmes mythologiques de Prométhée, ou du Golem juif).
Les mains participent à la défusion, à la différentiation, l’autonomie en extrayant par exemple un petit bonhomme du magma de la cuvette qui contient le reste de terre molle. Assis sur le rebord du récipient, il semble contempler le bain familial dont il vient d’être séparé. La personne rit du sens dévoilé par ses propres mains.
La boue renvoie à : « ça colle je peux rien faire de ça », être englué. Les mains pleines de terre collante, la personne cherche à tout prix à se nettoyer de cette glue et finit par réaliser un personnage qui va lui donner le signe de sa victoire sur le magma le plus souvent, on s’en doute, représentatif de la mère.
Au cogito de Descartes « Je pense donc je suis », j’ai envie d’opposer : j’agis donc j’existe. J’observe à tous les coups, un regain d’existence pendant et après une séance d’art thérapie. L’action qui reste symbolique, fait écho à l’intérieur de la personne et restaure le fait d’avoir une existence par celui d’avoir agi, et engendre à nouveau le besoin d’agir. Je suis dans l’action, j’existe et j’existe, j’ai envie d’agir.
J’observe régulièrement comment l’énergie d’une personne qui montre des signes d’apathie, se trouve soudain mobilisée avec la terre. Elle plonge les mains dedans, se met à respirer fort à souffler, à travailler cette matière qui veut bien lui donner en retour ce dont elle a besoin. Elle y retrouve un certain pouvoir. L’apathie ayant sûrement pour cause une impuissance répétée désolante.
L’art thérapie favorise la mise en place d’un processus immédiat de déroulement, déplissement, développement, de prise de conscience, d’ouverture au nouveau et au potentiel individuel de changement. C’est ce contexte d’immédiateté, qui est de mon point de vue, le plus flagrant en art thérapie.
Mais pourquoi cet effet immédiat de l’art thérapie ?
Il me semble qu’en présence de la terre, de la couleur, du crayon, ou du jeu théâtral…, la personne retrouve sa nature (à l’inverse de ce qui l’a cultivé). La nature amène la spontanéité, le désir et le plaisir, le jeu, la création. Tout cela mobilise une jubilation, celle d’être en vie et d’être au monde.
Art-thérapeutes, nous ne faisons qu’utiliser des outils archétypaux que l’homme a inventé depuis qu’il est homme, pour créer de la beauté, laisser une trace de lui même et se relier au grand mystère. Terre, pierre, bois, matières pour interpréter le monde, et lui donner forme humaine, participer à la grande marche de l’humanité… A suivre !